S’il y a une chose qui caractérise notre époque en matière de gestion des ressources humaines c’est le fait que les pratiques des intervenants sont maintenant davantage encadrées par des lois et des règlements plus clairs dont le but est de préserver les droits fondamentaux des personnes. Entre autres, rappelons brièvement les principaux motifs de discrimination interdits au chapitre des Droits de la personne : âge, condition sociale, convictions politiques, état civil, grossesse, handicap, langue, orientation sexuelle, origine ethnique ou nationale, race ou couleur, religion, sexe, antécédents judiciaires, représailles. Des entreprises ciblées sont assujetties à la Loi sur l’équité en matière d’emploi et doivent privilégier l’embauche de membres des 4 groupes désignés : les femmes, les autochtones, les personnes handicapés, et les membres des minorités visibles. Voilà la toile de fonds assez complexe à partir de laquelle les gestionnaires et les intervenants en ressources humaines doivent recruter et sélectionner leur personnel. Si on ajoute à cela le fait que la main d’œuvre qualifiée se raréfie dans certains secteurs névralgiques, que l’économie canadienne tourne encore au ralenti et que les entreprises sont parfois frileuses quant à l’embauche de personnel permanent…on comprend que les défis sont de taille pour les recruteurs!
Les valeurs organisationnelles : passer des belles paroles aux actions réelles!Faire vite, aller au plus simple…et s’en tenir au semblable?
L’une des difficultés les plus connues en matière de recrutement est sans doute le fait qu’il faut souvent faire vite pour combler les postes vacants, question de ne pas ralentir la productivité, de ne pas démoraliser le reste de l’équipe, etc. Il faut trouver le meilleur candidat, celui qui saura s’intégrer facilement et qui sera fonctionnel rapidement. Trouver un clone du dernier titulaire du poste s’avère souvent l’équation gagnante… Mais que faire alors de la belle liste des valeurs organisationnelles, souvent affichées dans des cadres bien en évidence, qui comprend dans sa déclinaison bien intentionnée, celles de la diversité et de l’implication sociale? Le réflexe sera-t-il de reporter l’embauche d’une personne « différente » à une prochaine fois, lorsque le contexte s’y prêtera davantage parce que le temps le permettra, parce que le gestionnaire sera plus réceptif, etc.? Soyons francs, il est souvent possible d’embaucher un candidat au profil similaire aux autres membres de l’équipe mais il est souvent beaucoup plus difficile de proposer une candidature qui sort de l’ordinaire… Prôner la diversité c’est facile; la mettre en pratique…c’est une autre paire de manches…
Aider à ouvrir l’esprit et le cœur!
Si les valeurs d’une entreprise sont autre chose qu’un simple laïus empesé et vainc, alors pourquoi ne pas s’en servir pour recruter « autrement »? Encore faut-il en tant que recruteur ou gestionnaire vouloir y mettre du sien et avoir l’esprit ouvert. En s’appuyant justement sur ces valeurs prônées, un recruteur pourra préparer le gestionnaire pour qui il recrute à accueillir des candidatures « différentes » en le sensibilisant aux différentes facettes de cette embauche hors-normes. Plus souvent qu’autrement, les craintes des gestionnaires sont alimentées par des préjugés, par un manque d’expérience de cette réalité et par un souci d’aller au plus simple… Tout cela est très compréhensible. Mais quand un recruteur peut influencer un gestionnaire à faire la différence dans la vie d’un candidat « différent » en lui donnant une chance, souvent inespérée, d’accéder à un emploi…alors on parle d’un professionnalisme qui allie tête et cœur
Des exemples inspirants…
Je n’oublierai jamais cette gestionnaire très chevronnée à qui j’avais recommandé la candidature d’une jeune femme à peine immigrée de l’Europe de l’Est. Une candidate qui, certes, n’avait pas toutes les compétences recherchées, mais qui compensait largement cette lacune par une volonté d’apprendre hors du commun et une motivation des plus convaincantes. Cette jeune personne travaillait dans un café à proximité du bureau de la gestionnaire. Je suggérai donc à la gestionnaire d’aller observer cette candidate à distance, avant de la rencontrer en entrevue. Elle se prêta volontiers à ma suggestion et fût impressionnée par ce qu’elle observa dans le service à la clientèle, l’approche, etc. de cette dernière. L’entrevue fut concluante et l’embauche fût faite, au plus grand plaisir de la gestionnaire qui n’hésita pas, au cours des années suivantes, à promouvoir cette employée, qui à ce jour, fait toujours carrière au sein de l’entreprise.
Comment pourrais-je oublier le recrutement d’une autre employée qui souffrait d’un handicap auditif? La conseillère en RH responsable du recrutement avait pris la peine d’adapter les tests pré-emploi afin de ne pas discriminer contre cette candidate. Une interprète en langage des signes était venue lui prêter main forte durant l’entrevue. La candidate avait postulé pour un emploi comportant des tâches simples et répétitives. Bien qu’elle n’avait pas cumulé l’expérience requise, elle avait la détermination tant recherchée pour ce type de poste. Une gestionnaire à l’esprit ouvert et au cœur « à la bonne place » a pris la décision de l’intégrer à son équipe. La décision s’avéra au-delà de ses espérances : la candidate travaillait avec acharnement, à un rythme plus accéléré que ses camarades…car elle ne « placotait » pas tout le temps!!!
Il me revient aussi à la mémoire la belle figure d’un candidat qui avait été recommandé par une employée déjà en poste. Il avait déclaré, d’entrée de jeu, qu’il souffrait d’une maladie mentale sérieuse mais que son état était contrôlé grâce à une médication appropriée et à un suivi médical assidu. Son profil était impressionnant et il avait tout le bagage requis pour remplir les exigences de son poste. Mais sa condition faisait en sorte qu’il ne souriait pas…ou si peu. Il fallut plus d’une conversation avec son superviseur pour lui faire voir que ce candidat serait parfait pour l’emploi à combler…et que faute de sourire, le rendement impeccable serait au rendez-vous. Et ce fût le cas, pendant de nombreuses années, au plus grand plaisir du recruteur et du gestionnaire!
Sortir de sa zone de confort…
Accueillir un employé avec un bagage « différent » peut amener une bonne dose d’incertitude et nous amener à remettre en question nos façons de faire bien ancrées mais cet inconfort est souvent porteur d’idées riches et mobilisatrices. Plutôt que de voir la diversité comme étant un risque ou une difficulté, pourquoi ne pas la voir comme une occasion de faire la différence, de s’enrichir à plusieurs niveaux et surtout, de vivre pleinement ses valeurs professionnelles.